Le factoring, un outil de financement à développer en Afrique.

L’activité de factoring se développe timidement sur notre continent africain, malgré son essor en France et en Europe depuis les années 1970. La plupart des acteurs financiers en Afrique se contentent de l’avance sur facture, sans exploiter pleinement le potentiel du véritable factoring. C’est dans ce contexte que Fodhiel KERKENI, expert en affacturage, s’engage à promouvoir cette technique en Afrique de l’Ouest, conformément aux encouragements de la BCEAO. À travers sa structure Shamash Afrique, basée en Côte d’Ivoire, se positionne en tant qu’expert en affacturage, en mettant l’accent sur l’ensemble de l’offre factoring à savoir : le recouvrement de créances, le financement, le recouvrement des factures et la gestion des comptes clients. Interview.

Fodhiel KERKENI, un expert de renom dans le domaine du « Factoring, » allie une solide formation financière à une expertise en technologies de l’information (IT). Il est titulaire du diplôme de l’ITB décerné par le Conservatoire National des Arts et Métiers Paris en 1994, et détient une Maîtrise en Gestion Financière de l’Institut Supérieur de Gestion de Tunis (‘ISG’) depuis 2005. Fodhiel KERKENI est aussi co-organisateur de la 6ème édition SITIC Africa « Salon International des Technologies de l’Information et de la Communication dédié à l’Afrique – organisé à Abidjan ».

De 1995 à 2006, Fodhiel KERKENI a été l’un des fondateurs de Tunisie Factoring, une filiale de Tunisie Leasing, aujourd’hui une composante du groupe Amen Bank. Au sein de cette entreprise, il a occupé diverses fonctions, contribuant ainsi à son succès. De 2006 à 2016, il a été responsable de la société Codix où il a joué un rôle majeur dans l’édition et la mise en œuvre de la solution iMX Factoring, « leader mondial sur le marché de l’affacturage ». En tant que chef de projet, il a supervisé avec succès plusieurs projets d’implémentation de cette solution.

Depuis 2006, Fodhiel KERKENI exerce en tant que consultant en affacturage, apportant son expertise à de nombreuses structures en Afrique, notamment BNDE Sénégal, LBA Sénégal, Medfactor Tunisie, et bien d’autres. Il est également consultant pour le choix et la mise en place de solutions d’affacturage.

Pouvez-vous nous présenter le factoring et quelles sont les problématiques auxquelles il répond pour les entreprises ?

Le factoring, également connu sous le nom d’affacturage, représente une méthode de gestion financière dans laquelle une institution financière, appelée factor, prend en charge la gestion du poste clients d’une entreprise, ce qui se fait au travers d’un contrat spécifique : le contrat de factoring. Cette démarche implique plusieurs aspects, notamment le financement des factures clients, le recouvrement des créances et la garantie des créances vis-à-vis des débiteurs.

Les services de factoring sont rémunérés par le biais de commissions calculées en fonction du montant des factures, comprenant une commission de service et une commission financière.

Plusieurs types d’affacturage sont couramment pratiqués, dont le factoring sans recours (accompagné d’une assurance-crédit), le factoring avec recours semi-confidentiel ou confidentiel, le reverse factoring, ainsi que le factoring international (Import Factoring/Export Factoring, impliquant deux factors).

Le processus de factoring débute par la signature d’un contrat de factoring entre l’institution financière et son client, appelé l’adhérent. Cette étape fait suite à une analyse approfondie du poste clients de l’adhérent, au cours de laquelle des limites de financement et de garanties sont établies.

Une fois les factures de ventes de l’adhérent réceptionnées, le factor octroie un financement généralement sous 48 heures pour ces factures et se charge du recouvrement directement auprès des acheteurs. De plus, il garantit le paiement de ces créances grâce à une assurance-crédit, même en cas de défaillance d’un des acheteurs.

Le factoring, en tant que moyen de financement rapide pour l’adhérent, vient compléter les services bancaires traditionnels essentiellement l’escompte commercial, le découvert bancaire et l’avance sur factures et marchés. Il offre une flexibilité indéniable dans la gestion et le financement du poste client, tout en assurant le paiement sécurisé des créances de l’adhérent, lui permettant ainsi de se concentrer sur son cœur de métier et de développer son entreprise.

A qui s’adresse le factoring et quels types d’organismes peuvent en bénéficier ?

Le factoring s’adresse en théorie à un large éventail d’entreprises, chacune avec des besoins spécifiques. Cependant, dans la pratique, il est principalement adopté par les entreprises qui font face à des besoins de financement à court terme, notamment quand leurs lignes de crédit traditionnelles ont été atteintes ou sont devenues coûteuses en raison du dépassement des limites autorisées. Le factoring se révèle également particulièrement bénéfique pour les entreprises en phase de démarrage d’activité, en particulier les PME-PMI, et pour toutes les entreprises qui connaissent une croissance rapide de leur chiffre d’affaires.

Le factoring offre une alternative rafraîchissante aux méthodes classiques de financement tels l’escompte commercial et les découverts bancaires. En effet, au lieu d’attendre plusieurs jours la réception d’un effet de commerce pour obtenir un escompte, l’adhérent peut obtenir un financement sous 48 heures en présentant simplement la facture du fournisseur, accompagnée du bon de livraison et généralement du bon de commande correspondant.

Quel est le niveau de développement et de démocratisation du Factoring en Afrique de l’Ouest ?

L’activité de factoring proprement dite est encore à un stade de lancement sur notre continent, en particulier en Afrique de l’Ouest. En effet, cette pratique, qui a vu le jour en France et en Europe dans les années 70, n’a été introduite en Afrique qu’à partir des années 1985, notamment en Afrique du Sud et au Maroc, avec la création d’un ou deux acteurs locaux.

Cependant, ce n’est qu’à partir de 2010 que certains pays d’Afrique de l’Ouest ont commencé à s’intéresser à cette méthode, principalement grâce aux filiales de banques étrangères qui ont intégré le factoring dans leur gamme de services. L’objectif était alors de proposer ce service à leurs clients existants afin de renforcer leur fidélité, mais sans réellement chercher de nouveaux clients dans le secteur de l’affacturage.

En comparaison avec d’autres régions, les transactions liées au factoring en Afrique représentent à peine 1% du volume mondial total des transactions factoring, selon une étude menée par FCI (Factor Group International). Bien que le volume mondial des transactions factoring ait connu une croissance de plus de 18% entre 2021 et 2022, en Afrique, ce taux de croissance avoisine les 30%. Ces données indiquent clairement le potentiel considérable de développement du factoring sur le continent. Cependant, il est important de noter que l’Europe représente plus de 68% du volume mondial total, qui s’élève à 3 659 204 billiards d’euros, selon les sources de FCI en juin 2023.

Le faible niveau d’activité en Afrique (représentant seulement 1% du volume mondial) malgré une croissance significative (30% en 2022) peut s’expliquer par plusieurs facteurs, notamment la méconnaissance du produit d’affacturage par le grand public et la clientèle des banques et surtout par les acteurs des établissements de crédit et institutions financières. Le manque d’informations financières et structurelles sur les entreprises complique la prise de décision par les factors pour la signature de contrat de factoring. De plus, l’Afrique de l’ouest souffre d’absence d’acteurs en assureurs-crédit spécialisés dans l’affacturage.  

Malgré l’introduction de la « loi uniforme sur l’affacturage » en 2019 visant à réglementer l’activité de factoring dans la zone UMOA (Union Monétaire Ouest Africaine), l’offre de factoring de quelques banques se limite principalement au financement des créances, en particulier celles du secteur public. Cette limitation restreint l’impact positif du factoring sur la gestion quotidienne de la trésorerie des adhérents, et la sécurité des créances n’est pas toujours garantie, étant donné l’absence de garanties dans la plupart des cas.

À mon avis, basé sur mon expérience lors du lancement du factoring en Tunisie, deux principales raisons entravent la croissance et la démocratisation du factoring en Afrique de l’Ouest.

Tout d’abord, il existe un manque de structures indépendantes dédiées au factoring en dehors des banques. Lorsque ces structures opèrent en dehors des banques, même si elles sont des filiales à 100% de ces dernières, tous leurs employés consacrent leurs efforts exclusivement au développement de l’activité de factoring, ce qui permet de mieux faire connaître cette technique.

Ensuite, les acteurs du secteur, en raison de leurs antécédents bancaires, ont tendance à raisonner en termes de banque plutôt qu’en tant qu’acteurs du factoring. Cela ralentit considérablement le développement de cette activité et peut même la dénaturer en la transformant en une simple avance sur facture déguisée ou en des demandes ponctuelles.

Bien sûr, il existe d’autres facteurs tout aussi importants qui entravent le développement du factoring, notamment l’absence de sociétés de renseignements commerciaux, l’absence d’une véritable centrale de bilan des entreprises, le manque d’assurance-crédit pour les créances, ainsi que le manque de collaboration et de partage d’expérience entre les différents acteurs.

Selon vous, quelles sont les initiatives à prendre pour développer le secteur du Factoring en Afrique de l’Ouest ?

Plusieurs excellentes initiatives ont été entreprises, notamment celles menées par des organismes tels que FCI (Factor Chain International) en collaboration avec AfreximBank et la BCEAO (Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest).

À mon sens, il serait judicieux de mettre en place d’autres actions de sensibilisation et de vulgarisation, principalement menées par les autorités monétaires et, surtout, par les associations professionnelles locales des banques et des établissements financiers. Cette démarche permettrait une meilleure appropriation de ce produit innovant, indispensable au financement des PME-PMI, qui représentent 90% des entreprises en Afrique subsaharienne et contribuent à hauteur de 38% au PIB régional.

Des sessions de formation ou des rencontres avec les acteurs du secteur financier, en particulier les associations professionnelles des banques, pourraient être envisagées. L’objectif serait de mieux faire comprendre le produit d’affacturage, qui demeure largement méconnu dans le milieu bancaire, car il n’est pas intégré dans les programmes académiques de l’enseignement supérieur ni dans le COFEB (Comité des Experts Financiers de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine). Ces actions contribueraient à dissiper les doutes et les confusions avec d’autres produits bancaires.

Il est également essentiel de mettre en évidence les avantages et la valeur ajoutée que représente l’adoption de la technique de factoring par les banques ou les établissements financiers. Cela pourrait encourager ces institutions à proposer le factoring à leurs clients et à élargir leurs portefeuilles de produits financiers.

Enfin, l’organisation de réunions régulières entre les différents acteurs du secteur du factoring et avec la banque centrale pourrait contribuer à améliorer la circulation de l’information financière entre les différents intervenants du secteur financier.

Pouvez-vous nous présenter Shamash-it, votre expertise et les solutions que vous proposez pour accompagner les institutions dans le développement du secteur du factoring ?

Shamash Afrique est le fruit d’une alliance entre divers acteurs et consultants spécialisés en technologies de l’information et en finances, ayant exercé dans les domaines de la finance et de l’IT depuis 1995.

Notre mission chez Shamash est de mettre à la disposition de nos partenaires des consultants métiers et des ressources IT hautement qualifiées qui répondent parfaitement aux besoins de nos clients.

Nos projets visent à mobiliser les meilleurs talents et consultants africains pour fournir des conseils et un accompagnement financier sur des projets locaux qui favorisent la croissance et le développement de nos pays.

Notre domaine d’expertise englobe l’intégration de solutions ERP et de solutions métiers dans le secteur financier, principalement en Afrique subsaharienne. Nous nous appuyons sur notre connaissance approfondie de ces marchés, qui ont un besoin croissant de solutions spécifiques à forte valeur ajoutée. Nous avons choisi de développer et d’intégrer des solutions qui répondent parfaitement aux besoins de nos clients, en conformité avec les exigences locales.

Personnellement, en tant que professionnel du domaine financier, je me consacre actuellement au conseil et à l’accompagnement des organismes en Afrique qui souhaitent lancer ou développer leur activité de factoring. Notre accompagnement s’effectue en collaboration avec une équipe de consultants capables de couvrir l’ensemble des aspects liés à cette démarche. Le périmètre que nous assurons couvre l’étude de faisabilité, l’élaboration du plan de mise en place de la structure, en passant par les aspects juridiques, financiers, comptables et organisationnels.

Nous assistons également nos clients dans la préparation du cahier des charges et le choix des solutions logicielles, et assurons un accompagnement fonctionnel après le démarrage. En somme, nous couvrons tous les aspects liés au factoring et à son intégration au sein d’une structure bancaire existante.

Pour vous donner un exemple concret, en partenariat avec l’Association Professionnelle des Banques et des Établissements Financiers de la Côte d’Ivoire, j’animerai un workshop à Abidjan le 5 octobre 2023. L’objectif de cette rencontre est de passer en revue tous les aspects de l’activité du factoring et de discuter de la manière dont les clients ivoiriens peuvent en bénéficier.

Article de Jean Mermoz Konandi sur sikafinance.com

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